CHAPITRE V
Ael effectua la plongée en Temps Relatif dès qu’il eut atteint la vitesse luminique, sans attendre d’avoir dépassé la jeune étoile bleue. Il s’était fixé un point d’émergence à trois jours de route, comme convenu.
Katel occupait le siège de droite et il lui avait commenté les calculs et les différentes séquences des manœuvres, au fur et à mesure. Il partait du principe que si ses compagnons s’habituaient peu à peu aux transitions, à chaque fois que c’était possible, ils apprendraient ainsi à piloter. Même s’ils n’avaient aucun brevet officiel, ce n’était pas grave, dans l’espace, à condition qu’ils soient au point. Leur compétence en vol était une sécurité supplémentaire.
Ils avaient embarqué deux gros cristaux destinés à ne subir aucun tests de vibration, de même que Michelli en avait deux, afin de garder un mode de communication naturel, étalon, et indépendant de l’installation Com mobile classique qu’ils lui avaient laissée. Ael avait gardé en mémoire que la première communication entre eux s’était établie alors que les cristaux n’étaient pas du même poids.
À son poste, derrière, Katel avait installé son bricolage : initialement une boite Com, à laquelle elle avait ajouté des circuits complexes et dans laquelle deux logements étaient prévus pour recevoir des cristaux à tester. Un vieil appareil de mesure, issu des potentiomètres électroniques de précision de la préhistoire, reposait à côté, afin de délivrer un courant électrique d’une très grande précision. Michelli disposait de la même installation, au sol, avec une petite pile à énergie.
— Il est l’heure de la première expérience, dit-elle bientôt. Je ne compte pas beaucoup sur elle, en Relatif rien ne passe à moins d’installations extrêmement puissantes, c’est surtout par acquit de conscience que je l’ai prévue. Et pour que Michelli ne s’ennuie pas trop ! Je vais faire le premier appel avec les cristaux libres, dit-elle, sans mon installation, pour voir si les vibrations de la parole, seules, établissent une communication comme celle que tu as eue avec nous, au sol. Mais en Temps Relatif, cette fois. Même si ça marche, à cette distance, en Relatif, le décalage devrait être sérieux, de l’ordre de plusieurs secondes, mais ça nous donnera déjà une idée. Ensuite, je renouvellerai l’appel en faisant vibrer légèrement un cristal de la plus petite taille, sur une fréquence très basse, dans mon engin. Tu veux écouter ?
— Oui, tu penses bien.
— O.K.
Elle passa derrière et s’assit à son poste.
— Les cristaux libres, d’abord, annonça-t-elle…
— “Michelli, me reçois-tu ?”
La réponse fut immédiate :
— “Parfaitement. Tu appelles avec les gros libres ?”
— “Affirmatif. Je vais procéder à une mesure précise, ajouta-t-elle après un temps, secouant la tête, comme pour se remettre, je vais le rappeler. Ne réponds pas à ce message-ci.”
Elle s’activa, lançant à voix haute, pour Ael :
— C’est fantastique qu’ils émettent en Relatif, je ne comprends pas comment c’est possible… En outre, il y a quelque chose de très anormal dans le temps de réponse. Il est infiniment trop rapide, c’est incompréhensible. Je vais le mesurer électroniquement.
Quelques secondes plus tard elle disait :
— “Michelli, réponds-moi immédiatement après avoir reçu ce message.”
La réponse fut instantanée :
— “Je t’ai reçue.”
— Bon Dieu… Ce n’est pas croyable, Ael, il y a quatre millièmes de seconde de décalage ! C’est le temps pour répondre immédiatement, quand on est lancé dans un débat ! Tu imagines ça ? Quelle puissance… !
— “Michelli, reprit-elle, ta réponse m’est arrivée. Maintenant on recommence avec les petits cristaux, dans la boîte de Com, sous le plus faible courant. Dès que tu auras entendu terminé, tu réponds, aussi vite que possible… Terminé.”
— “Je t’ai reçu, fit la voix du Sarmaj.”
— Mais ça ne devrait pas être possible, Ael, fit la voix, stupéfaite de Katel. Ce sont de petits cristaux qu’on utilise, en ce moment. Et le courant est le plus faible : 0,1.
— Tu ne veux pas faire des essais en changeant les fréquences de vibration, proposa Ael, sans se retourner.
— C’était prévu mais beaucoup plus tard, avec des cristaux plus gros.
— Je sais, mais donne tes instructions à Michelli, travaille sur la gamme de vibrations, dès maintenant, avec les petits cristaux. On va gagner du temps sur l’expérimentation du principe des fréquences. Si ça marche avec ces petits cristaux-là, ça fonctionnera aussi avec les autres. À moins que tu n’y voies un inconvénient ?
— Non… non. “Michelli, on va hâter les tests. Tu passes ton potard sur la graduation 0,4 et tu m’appelles trois secondes après la fin du réglage.”
— “Reçu : 0,4.”
Quelques secondes puis la voix de Michelli retentit :
— “Je suis sur 0,4 ; à toi.”
— “Excuse-moi, Michelli, il nous faut un étalonnage pour que l’expérience ait une signification. Place les deux gros cristaux de chaque côté de toi, mais plus loin, pour voir d’où te vient le son : de la boîte Com avec la modification de la fréquence ou des gros libres. Je fais la même chose. On se redonne 10 secondes avant de commencer. Terminé.”
— “Ici Michelli, tu me reçois, Katel ?”
— Bon Dieu de Bon Dieu, Ael, la communication passe aussi comme ça. Avec 0,4 de différence de puissance de vibration seulement ! Tu imagines combien ça va multiplier le nombres de fréquences utilisables…
— Continue en augmentant de 0,4 à chaque fois demanda Ael, essayant de dominer son excitation.
Pendant trois heures, ils explorèrent ainsi la gamme des basses fréquences. Puis Katel demanda à Michelli de passer directement aux très hautes fréquences en augmentant l’intensité du courant qui faisait vibrer les cristaux. Il n’y eut aucune différence ! Le système fonctionnait à la même vitesse.
À une nuance près : les cristaux émettaient à des fréquences encore plus hautes que ce qui était connu avec les quartz multi-modernes !
— Et c’est le plus petit des cristaux, Ael !
Celui-ci ne reconnaissait plus la voix posée de Katel tant elle était excitée…
Ils firent tous les essais prévus, avec des cristaux de différentes tailles, sans noter la moindre variation.
— Pourtant les petits devraient avoir une portée beaucoup plus faible, remarqua la jeune fille.
— Il faut croire qu’on n’est pas assez loin, répondit Ael. Travaille sur les petits pour déterminer quand ils ne seront plus audibles.
Au dîner, Katel l’abreuva de termes techniques sans se rendre compte qu’il était totalement largué. Mais elle paraissait tellement heureuse qu’il ne voulut pas le lui dire.
Le lendemain, la qualité des communications n’avait pas changé…
— Finalement, dit Ael, notre expérience avec les gros cristaux dans ta boîte Com ne va rien nous apprendre. En trois jours, on n’ira pas assez loin. Il faudra qu’on recommence avec un système automatique de réponse, au sol, et qu’on s’éloigne de trois mois, en Relatif.
— Six mois, aller et retour ? On va fameusement s’empoisonner, non ?
— On le fera en revenant vers le Monde.
Pour Ael, la grosse surprise vint d’ailleurs. Il avait calculé un point d’émergence à trois jours pile de leur départ. Katel était en train de communiquer avec Michelli quand le voyant de réémersion imminente s’alluma, devant ses yeux. Or ils étaient encore à 9 heures trente du point calculé !
— Katel, on a un pépin, annonça-t-il, on va émerger beaucoup trop tôt. Lance la Détection pour avoir une position précise dès qu’on sera en espace.
— O.K. “Michelli, je coupe, je te rappelle très vite.”
Méfiant, Ael tenait les commandes quand la transition se fit et que la Barge émergea, l’écran frontal révélant l’espace libre…
Rien devant, ni à proximité.
— On est exactement à la position calculée, fit Katel au bout d’un moment, les yeux sur ses cadrans.
Ael secoua la tête.
— Il y a pourtant quelque chose qui ne va pas. Neuf heures trente sur trois jours, ça fait une proportion énorme.
— Est-ce que notre vitesse n’aurait pas pu augmenter ?
— … C’est la seule explication. Mais pourquoi ?
— Je t’avais dit que j’avais travaillé sur les condensateurs d’effet Tunnel, pour les rapprocher, proportionnellement du schéma du Patrouilleur, réfléchit Katel à voix haute. Je parie que ça vient de là !
— Explique ?
— C’est ce que je t’ai dit avant d’y travailler. Chez nous, on disait que vos Patrouilleurs étaient vraiment rapides. Or, cette Barge est nettement moins lourde, volumineuse. En venant de M 75 II, j’avais trouvé qu’elle n’était pas si rapide que ça, compte tenu de ses nouveaux Props. Pas plus que nos vieux Patrouilleurs du début de la guerre, en tout cas.
— La Barge est d’un vieux modèle.
— Oui, mais avec des Props surpuissants et des condensateurs qui donnent des résultats spectaculaires sur les Patrouilleurs.
— Où veux-tu en venir ?
— Je te l’ai dit, je ne suis pas physicienne, mais il me semble que la nouvelle disposition du schéma des condensateurs a une importance.
— Tu voudrais dire qu’en reproduisant plus fidèlement la disposition de l’installation du Patrouilleur, on a gagné de la vitesse ?
— Si je ne suis pas physicienne, je sais que l’effet Tunnel n’est pas constant, que les particules peuvent dépasser de plusieurs fois la vitesse de la lumière, selon les bâtiments, et qu’il y a un rapport entre les condensateurs, l’effet Tunnel, si tu veux, et la vitesse de plongée.
Il réfléchit.
— Ça pourrait se tenir. Seulement, il va falloir réétalonner nos paramètres et les enregistrer, sinon tous les calculs seront faux, désormais… Je sais que la vitesse, en Temps Relatif, sur un bâtiment précis, est constante, selon la vitesse de pénétration, donc si on prend trois mesures, par exemple, on doit pouvoir en déduire notre nouvelle vitesse et l’introduire dans le Directeur de vol venant du Patrouilleur… Au retour, on fera deux plongées, même courtes, en mesurant soigneusement l’écart avec le calcul de base. On devrait trouver la nouvelle vitesse, si c’est bien le cas. En attendant, puisqu’on a plus de neuf heures d’avance je te propose de procéder à d’autres expériences en espace libre, notamment sur les temps de réponses des différents cristaux.
— Ce serait parfait. Je pourrais peut-être en tirer une loi constante sur la puissance d’émission et la taille ou le poids des cristaux. Je vais avoir du travail cette nuit. Je récupérerai demain. Si tu veux, je te réveillerai quand il sera l’heure prévue, initialement, de plonger à nouveau.
— D’accord. Fais aussi des tests d’écoute sur les cristaux libres… et peut-être en réception, avec ta boîte Com et des gros cristaux, en balayant les fréquences utilisées en général en Longue Distance, dans le Monde. On verra si on peut accrocher quelque chose.
— Ah, ça, c’est pas idiot. Je peux voir d’où je reçois le plus loin.
— Préviens Michelli que demain matin tu te reposeras, qu’il ne soit pas inquiet. Et si tu peux aussi faire un branchement sur la console du tableau de bord pour que je puisse parler avec Michelli, avec des cristaux libres, pendant que tu dormiras, je préférerais.
— Il suffira que tu parles devant eux, il t’entendra, fit la jeune femme.
— Bien sûr, tu as raison ! Bon je vais dormir. Je sélectionne les avertisseurs sonores d’alerte. S’il se passe quelque chose, appelle-moi.
— Oh, ça, je n’hésiterai pas. Je ne me sens pas du tout pilote, tu sais ?
Le lendemain, il reprogramma le Directeur de vol pour faire deux transitions de la moitié du chemin du retour et donna un point d’émergence au-delà de leur planète.
Les heures précédant la plongée se passèrent en nouveaux tests, qui permirent à Katel de faire des calculs complexes d’où il ressortit que les gros cristaux, libres, captaient des émissions venant de toute la galaxie, sur plusieurs gammes d’ondes assez proches, même des Systèmes les plus lointains…
Les cristaux de taille moyenne, les plus nombreux, dans les boîtes Com reconstituant les fréquences, permettaient de capter des émissions venant de Constellations aussi éloignées que le Grand Chien ! Il resterait à étalonner ces quartz avec les Coms traditionnels pour correspondre, sauf si on gardait ces quartz pour des réseaux particuliers. Néanmoins, ils allaient pouvoir en faire une récolte encore plus importante qu’ils ne l’avaient estimé. Resterait à déterminer qui leur paierait le prix le plus élevé, peut-être pour des réseaux à part, mais autorisant un secret absolu, sans demander leur provenance !
Pendant les deux plongées du retour, Ael étalonna la nouvelle rapidité de la Barge, remarquant qu’elle accélérait mieux, notamment à proximité de la vitesse luminique. Elle pénétrait en Relatif avec une puissance supérieure. Le Directeur de vol fut modifié.
En se posant près du camp provisoire, l’atmosphère avait changé. Le soir, au dîner, ils discutèrent longtemps pour déterminer une méthode afin de répertorier les nids de cristaux. Ce fut Katel qui eut l’idée d’utiliser la Détection en la réglant pour réagir aux couleurs des cristaux. En volant à une dizaine de mètres au-dessus du sol, ils enregistreraient automatiquement les endroits et même les types de cristaux.
Dès le lendemain, ils convinrent qu’Ael partirait en Mob avec une sorte de gros caisson, derrière son siège pour entasser sa récolte, tandis que Michelli et Katel utiliseraient le Plateau. Et ils partiraient chacun d’un côté du campement, le long de la mer.
Au moment de partir, Michelli sortit fièrement deux sortes de calottes métalliques, sortes de passoires, munies de liens en plasto pour les attacher sous le menton ! Katel accepta immédiatement de mettre le sien en échangeant avec le lourd casque de combat et Ael rigola franchement en les voyant ainsi sur le Plateau.
Ils avaient convenu de s’appeler chaque heure, sur des gros cristaux, pour contrôler que tout allait bien. Ael prit la direction du désert, s’étonnant de voir de temps à autres ces petits arbustes rabougris mais pourvus de feuilles, pourtant. Il devait y avoir de l’eau dans le sous-sol.
Il tomba, en fin de matinée, sur un nid immense et mit deux heures à en ratisser le quart ! Il laissait les tout jeunes cristaux mais, à tout hasard, les dégageait du sable pour les placer en surface, exposés aux rayonnements solaires.
Curieusement les cristaux translucides étaient vraiment très rares. Pendant toute la journée, il n’en trouva qu’un, de trois centimètres seulement, aux trois quarts ensablé. Cela avait été de la chance de l’apercevoir dans le sable.
Cela faisait deux mois qu’ils récoltaient des cristaux. Au fur et à mesure, ils les pesaient pour les classer par catégories de poids. Mais veillaient à les ranger, systématiquement par deux de mêmes dimensions, un écarlate et un vert.
Katel n’avait trouvé qu’un translucide. Apparemment, ils étaient vraiment très rares. Sans savoir pourquoi, Ael les trouvait beaux et y prêtait attention en parcourant le désert. Il n’en avait trouvé que deux, de la même taille, 3-4 centimètres, en deux mois.
Deux fois ils avaient changé de campement, s’éloignant de la mer, après qu’ils eurent fait une reconnaissance, en Barge, le Détecteur réglé, découvrant ainsi que c’était essentiellement autour de la mer intérieure, sur une centaine de kilomètres de profondeur, qu’il y en avait le plus grand nombre. Enfin, un nombre quand même relatif ; ils ne pullulaient pas…
Encore qu’ils avaient décelé des champs vraiment immenses, mais très isolés, loin dans le désert. Ils en avaient relevé les coordonnées pour plus tard. Ils tenaient trop à leurs bains quotidiens, le long de la mer, pour installer un campement dans l’atmosphère étouffante du désert… Même avec les tenues légères, les ponchos.
C’était une fin d’après-midi. Ael avait une récolte qui emplissait le caisson et les bacs de son Mob et s’apprêtait à regagner celui-ci, un peu plus loin, quand il sentit une douleur vive et brève, au crâne.
Tout de suite après, son cerveau fut envahi d’un sentiment de peur effrayante. Il lâcha les cristaux qu’il tenait dans les bras et se retrouva un genou au sol, sa main droite ayant dégainé le RCM et balayant l’espace, devant lui.
Il ne voyait rien. Pourtant cette impression de peur terrible persistait. Qu’est-ce qui pouvait l’effrayer à ce point ? Il s’efforça de la chasser pour réfléchir calmement et fit un mouvement sur le côté pour améliorer son champ de vision.
Cette fois, ce fut de la panique ! Et puis un trou, immense, apparut dans sa tête. Un trou dans du sable durci, mais loin, si loin… Ses yeux balayaient le sol devant lui sans rien déceler, aucun immense trou, surtout. Et puis il y eut un mouvement rapide, sur la gauche et il pivota, tendant le bras armé.
Dieu ! Une sorte de gros lézard. Vingt centimètres de long, une peau écailleuse et une dizaine de pattes de chaque côté, figé, statufié. La première manifestation de la vie, sur cette planète.
Il secoua la tête, décontenancé. Comment avait-il pu avoir peur de ce truc-là ? C’est à cet instant qu’il réalisa…
Il n’avait pas peur de la bestiole… c’était elle qui était terrorisée en le voyant !
Ael mit plusieurs secondes à l’admettre, le comprendre. Du regard, il fouilla les environs et repéra un trou dont l’entrée mesurait bien le double de la bestiole. Il sut qu’au fond du trou, après bien des méandres, se trouvaient plusieurs petits lézards !
— Dieu, prononça-t-il à haute voix, je ne suis pas une brute, je ne vais pas tuer ce machin-là. Pourquoi a-t-il aussi peur de moi… ? Oui… il n’a jamais vu d’hommes, c’est probablement ça. Si ça se trouve, il n’y a pas d’autres êtres vivants sur ce monde.
Il se passa quelque chose dans son crâne. Il sut qu’il y avait de petits poissons dans la mer et qu’il pouvait les attraper en projetant sa langue, très vite, dans l’eau. Sa langue ? Il se demanda, fugitivement s’il ne devenait pas dingue pour avoir des pensées de ce genre.
Ses yeux revinrent au lézard. Il semblait se mettre insensiblement en marche, sur le côté, en direction du trou…
Il sourit :
— Vas-y, mon vieux, rentre chez toi, tu ne risques rien de moi. J’ai bien assez tué pour avoir envie de te faire du mal.
Cette fois, le lézard bondit et glissa sur le sol à une vitesse folle, s’engouffrant dans le trou, ce qui le fit rire… Jusqu’à ce qu’il ressente un sentiment de soulagement prodigieux. Il lui semblait voir le lézard, dans son trou, près de ses petits qui s’agitaient.
Il se redressa et rengaina son arme. Il se baissait pour ramasser ses cristaux quand une pensée le frappa. Immobile un instant, courbé en deux, il finit par s’asseoir pour réfléchir à ce qui venait de se produire. En lui, cette impression de soulagement s’apaisait doucement.
Lentement il revit la scène, depuis le début… Voyons, tout avait commencé quand il avait ressenti… Non, il y avait d’abord eu cette douleur vive, cette espèce de craquement, dans son crâne. Et ensuite… cette peur panique !
Ce n’était pas son genre, ça. Il ne se souvenait pas d’une seule peur aussi intense pendant toutes les années de guerre. Alors que…
La vérité lui vint brutalement à l’esprit. Il n’avait pas eu peur. Pas lui, Ael, c’était la peur du lézard qu’il avait ressentie en lui !
Il était télépathe…
Stupéfait de sa découverte, il voulut vérifier et se concentra sur la bestiole, et il la vit, dans son trou, en train de régurgiter des minuscules poissons qu’elle donnait à ses petits.
Ahuri il resta longtemps assis avant d’entendre les appels d’un cristal, sur son Mob. Il s’y précipita pour répondre.
— “Tu nous as flanqué la frousse à ne pas répondre à nos appels,” fit la voix de Katel.
— “Je ramenais ma dernière récolte. Je rentre,” dit-il d’une voix pas très assurée.
— “O.K.”
Il retourna chercher les cristaux, sur le sable, les chargea et partit, préoccupé.
Que s’était-il passé ? Comment devient-on télépathe ? On naît avec ce don ou pas, d’après ce qu’il avait entendu dire. Les chercheurs avaient fait quantités d’études sur ce domaine sans trouver de solutions satisfaisantes, scientifiquement. Les phénomènes n’étaient pas constants, ni toujours aussi puissants. Bref, on ne pouvait pas en tirer une loi.
Malgré le vent relatif, sur le Mob, il crevait de chaleur et n’attendait que d’arriver pour se baigner. Même en fin d’après-midi, comme ça, le soleil était… Dieu ! Le soleil, les rayons durs…
Il n’y avait pas d’autres explications. Ce bombardement l’avait quand même touché, calotte crânienne métallique ou pas, et avait provoqué un bouleversement dans son cerveau…
Machinalement, il toucha sa tête d’une main. Il se sentait bien et, en faisant un retour en arrière, ne se souvenait d’aucun trouble particulier, les derniers jours. Est-ce que ce phénomène allait durer ? Ou était-il lié à leur présence sur leur monde ?
“Leur”… le mot l’atteignit de plein fouet. Michelli et Katel, avec la petite calotte, qu’ils portaient désormais en permanence, allaient être atteints du même phénomène ! Ils ne l’avaient peut-être pas encore réalisé. Chez lui, c’était un sentiment bouleversant – la peur effrayante qui émanait du lézard, il en était maintenant persuadé – qui lui avait fait découvrir cette possibilité de son cerveau. Peut-être fallait-il quelque chose comme ça, un gros choc émotionnel, pour que ça démarre ?
Il s’efforçait de réfléchir tout en conduisant et se retrouva devant le campement sans l’avoir vu apparaître. Katel et Michelli étaient en train de peser et de ranger par deux, un écarlate et un vert, les cristaux de même taille et de même poids, qu’ils avaient ramassés.
— Dis donc, Cap ? Katel va nous fabriquer des petits casques avec un cristal émetteur et un récepteur, des petits, ça suffira, pour qu’on les porte toujours sur nous. Il vaut mieux qu’on soit toujours relié, tu ne crois pas ?
Il hocha la tête pour marquer son approbation.
— Je crève de chaud, dit-il, je vais me baigner avant de trier.
— Tu vas bien, Ael ? demanda Katel. Tu as l’air un peu patraque.
— Ça va, juste chaud.
Il laissa tomber son poncho sur place et alla se jeter à l’eau. Le corps humain est composé de pas loin de 90% d’eau, songea-t-il, normal qu’on ait autant de plaisir à s’y plonger.
Comme chaque soir, ils dînèrent dehors. Un vent léger se levait, après la tombée de la nuit et il faisait bon. Michelli et Katel bavardaient de leur journée et Ael mangeait tranquillement en les écoutant vaguement.
— Je crois que tu as raison, Katel, dit-il soudain. J’y ai pensé moi aussi. Peut-être grandiraient-ils plus vite.
Katel resta la bouche ouverte sa fourchette à mi-distance de son plat.
— De quoi parles-tu ? finit-elle par lâcher.
— De placer les tout petits cristaux sur des sols durs pour qu’ils ne s’y enfoncent pas et prennent davantage de lumière, comme tu l’as dit.
Il y eut un silence. Ael se rendit compte que les autres le regardaient curieusement.
— Je n’ai rien dit, Ael ; je n’en ai jamais parlé, fit-elle enfin. J’y ai pensé, pendant que Michelli expliquait… Et il ne parlait pas de ça, à l’instant !
Ael fut stupéfait. Il avait distinctement entendu Katel dire qu’il faudrait surélever les petits cristaux…
Il secoua la tête. Ainsi c’était maintenant ancré en lui ?
— Eh bien, réponds, Ael, dit Katel.
Il prit sa décision, repoussant son plat devant lui pour poser les coudes sur la table.
— D’accord… Vous avez constaté par vous-même, le jour de notre arrivée, que le bombardement de rayons durs provoquaient des troubles, hein ?
Ils hochèrent la tête.
— Je pensais que seul le haut du cerveau était touché et que j’avais été protégé par mon crâne de métal… Apparemment, ce n’est pas vrai. On ne ressent pas de troubles mais tout le cerveau est touché. Mais pas forcément dangereusement. J’ai découvert, cet après-midi, que j’étais devenu télépathe.
Il y eut un silence.
— Tu veux dire que tu comprends ce qu’on ne dit pas c’est ça ? fit Michelli, ahuri.
— Oui, c’est ça. À l’instant, j’ai “entendu,” dans ma tête, aussi clairement que si elle l’avait prononcé, Katel penser aux petits cristaux.
— Bon Dieu… télépathe !
La jeune femme n’en revenait pas.
— Désolé de vous avoir fait peur, dit Ael. J’avais l’intention de vous prévenir, mais en prenant des gants pour ne pas vous secouer… Parce que je pense que ça va vous arriver aussi. Vos calottes ne protègent que le dessus de votre crâne, comme moi ma plaque, mais pas les côtés, les temporaux. Je suppose que c’est de cette manière que mon cerveau a évolué.
— J’ai entendu, autrefois, quand je faisais mes études, commença Katel d’une voix lente, une conférence holo d’un spécialiste du cerveau dire que son fonctionnement posait encore des problèmes insolubles. On avait remarqué que chez des blessés touchés à la tête, de nouveaux circuits, de nouvelles connexions, entre des neurones se créaient pour remplacer, contourner les zones endommagées. Comme si tous nos neurones n’étaient pas utilisés pleinement, habituellement. De même, je me souviens d’un cours facultatif que j’avais regardé, sur ma holo, où on montrait des coupes de cerveaux humains en fonctionnement. On distinguait très bien, avec une coloration des zones en plein travail, que chez l’homme un problème pouvait se résoudre en utilisant seulement la partie droite du cerveau, tandis que chez la femme les deux côtés travaillaient en même temps. Mais rien ne permettait d’expliquer pourquoi. C’était une différence entre nous, c’est tout. Et on avait enregistré un télépathe en train d’émettre, les deux côtés de son crâne étaient colorés…
Il y eut un nouveau silence, rompu par Michelli :
— Tu crois vraiment que ça va nous arriver aussi, Cap ?
— Logiquement, oui.
— Alors, ça, c’est fabuleux. Je repense à ton histoire de cette après-midi. Tu te rends compte, pendant la guerre, combien ça nous aurait servi ? On ne serait jamais tombé dans une embuscade, tu l’aurais décelée avant. Combien de copains seraient encore vivants…
— Il y a aussi l’envers de la médaille, dit Ael. Ne jamais être sûr que quelqu’un n’est pas en train de t’espionner. Moi, tout à l’heure, je ne le voulais pas. Ce sont les pensées de Katel qui me sont parvenues sans que je ne fasse rien.
— Il doit être possible de dresser une barrière, je pense, fit la jeune femme.
— Comment ?
— Je ne sais pas encore. Mais on peut faire des essais, penser à la guerre, par exemple.
— D’accord, mais peut-on penser à deux choses à la fois ? demanda Ael.
— On verra. En tout cas, moi j’ai confiance en toi. Je sais que tu ne fouilleras pas mes pensées, délibérément, je veux dire.
— Mais je ne le commande pas. C’est venu dans l’autre sens. De toi vers moi, tu comprends ?
— Tu en es sûrement au début de tes découvertes, tu as probablement d’autres possibilités pour que celle-ci se soit révélée aussi fort. Un jour tu pourras pénétrer un cerveau, je le parierai.
— Non, mais vous vous rendez compte… Au jeu, intervint Michelli, tu connais les cartes de tes adversaires ! Tu es gagnant à chaque fois ! Ou en tout cas tu ne perds pas.
Ael sourit :
— Je m’en suis toujours douté, dit-il en s’adressant à Katel. Michelli est un joueur effréné. Même quand on nous tirait dessus, sur une position défensive, il organisait des parties de tram avec les Sarges. Et il avait un sacré pécule, à la fin de la guerre. J’ai toujours pensé qu’il avait un truc !
— Alors, Michelli, tu triches ? demanda Katel d’un ton ironique.
Le Sarmaj commença par rougir, puis sourit.
— Seulement quelques petits trucs comme ça, quoi !
— Ouais, des trucs. Tu en as plumé des gars, fit Ael.
— Seulement des sales types, Cap, je te promets.
Il y eut encore un long silence.
— Finalement, Ael, tu étais peut-être télépathe depuis des jours et des jours, mais tu ne l’avais pas découvert, remarqua la jeune femme.
— J’y ai pensé, oui.
— Et c’est peut-être la même chose pour nous ?
— Possible, oui. Je n’ai que deux jours de plus que vous d’exposition aux rayonnements.
— Qu’est-ce qu’on va faire ? demanda Michelli.
— Je crois qu’il n’y a plus rien à faire, lâcha Katel. On est tous atteints. Alors ou bien notre cerveau se développe sans dommage, ou bien quelque chose claque. Ça fait deux mois qu’on se balade au soleil toute la journée. Si quelque chose de dangereux avait dû se produire, ce serait déjà le cas, non ?
— Katel a sûrement raison, dit Ael. Je suis d’avis de ne rien changer, on ne peut plus rien y faire, maintenant. Je vous demande seulement de me faire confiance, si je découvre que je peux pénétrer vos pensées, je ne le ferai pas.
— Pour moi, ça va, dit Katel.
— Moi aussi, Cap. De toute façon, tu es la personne qui me connaît le mieux au monde, alors, un peu plus, un peu moins…
Ils restèrent encore un mois sur ce monde auquel ils finirent par donner un nom : Amas I. Il ne voulait pas lui attribuer un code céleste, comme le font les scientifiques. Ils avaient seulement décidé d’appeler ce Système du nom de “l’Amas.”
Leur récolte avançait bien. Un jour, Michelli déclara :
— Vous savez que le sol du niveau inférieur de la soute est plein de cristaux. Il reste le supérieur, mais il est plus petit. Et on a des problèmes de stockage pour les garder par couple, écarlate-vert. Il faudrait qu’on trouve des trucs.
— Les plats vides, non ? suggéra Katel.
— Oui, c’est une bonne idée il y en a un bon nombre maintenant. Ça irait pour les moyens, pas les gros, répondit le Sarmaj.
— Alors, je vous propose une chose, dit Ael. On va récolter quatre ou cinq grands champs de l’intérieur où les cristaux de couleur pullulent sur une surface relativement petite. Et on part. Mais si vous tombez sur de beaux cristaux transparents, ramassez-les pour moi, s’il-vous-plaît, je les trouve magnifiques.
— On part où ? demanda Michelli.
— J’irais bien voir à quoi ressemble l’autre planète du Système, dans la faille, celle qui est plus au fond. Elle est assez distante pour ne pas être bombardée avec autant de violence, la vie s’y est peut-être développée ?
— Ah, ça, c’est une bonne idée, Cap. On la met aux voix ?
— Mais c’est vrai que tu es tricheur, sale type, fit Katel. Vous êtes déjà deux à vous être prononcés pour, le résultat est connu, c’est de la fausse démocratie, ça. À quoi ça servirait de voter ? Il va falloir que je me méfie de toi, mon vieux.
Le Sarmaj eut l’air peiné.
— Tu le penses vraiment, Katel ?
— Mais non, baluche, je te charriais.
— Tu sais, le Cap et toi, je ne pourrais pas faire quelque chose contre vous. Ça me serait impossible. On a trop de souvenir communs.
— Des souvenirs ? fit-elle, intriguée.
— Oui, toutes ces années de guerre. Je sais qu’on n’était pas dans le même camp mais, pour moi, ça ne change rien. Tu as connu les mêmes choses, tu comprends ? C’est comme si tu étais dans une autre unité, quoi.
Elle ne répondit pas tout de suite, le visage baissé.
— Le salopard… il a réussi à me toucher, dit-elle enfin, d’une voix changée. Ça, alors. Je ne pensais plus que ce serait possible un jour !
Il y eut un silence gêné.
— Bon, alors, on va vider quelques champs et on file, d’accord ? proposa Ael pour la laisser se remettre.
— Tu as bien vu qu’on est tous d’accord ! dit Katel.
Le deuxième jour du ramassage, Ael décida de tenter une expérience, à l’image de celle qu’il avait connue.
Ils n’étaient tous éloignés que d’une centaine de mètres, Katel un peu plus loin que Michelli. Il poussa un hurlement aussi désespéré qu’il le put. Il les vit lever la tête pendant qu’il se mettait à s’agiter, à moitié courbé en pensant de toutes ses forces à un serpent. Puis il s’effondra en imaginant, avec le plus de détails possible ce serpent fantôme, qui se préparait à attaquer de nouveau.
Mentalement, il s’efforçait d’être totalement paniqué, certain qu’il allait mourir et souffrant le martyr de la morsure de la bête, au genou droit.
Il les entendit arriver.
— Ael, Ael, hurlait Katel, ne bouge pas, ça les excite.
Dieu ça avait marché !
Michelli fut le premier près de lui, arrachant son RCM de l’étui et visant le sol de son arme.
Lui aussi !
Ael se redressa et songea fortement :
— “O.K., O.K., je n’ai rien !… Vous m’entendez, tous les deux ?”
Le Sarmaj se retourna comme un ressort qui se détend et le dévisagea, incrédule.
Katel avait ralenti sa course et venait au petit trot.
— “Alors vous m’avez entendu ou pas ?”
— Bon Dieu Cap, tu m’as flanqué une de ces frousses ne me refais jamais ça, hein ? dit Michelli, à voix haute, mauvais.
— Oui, je t’ai entendu aussi, dit Katel en s’immobilisant près de lui. Alors ça y est, on forme un club ?
— Vous avez senti une douleur brève, au crâne ? demanda-t-il ?
— Oui, fit Katel.
— Non, dit le Sarmaj. Ou alors j’y ai pas fait attention, j’en mettais un coup.
— Excusez-moi, tous les deux, je pense qu’il faut une émotion violente, je vous l’ai dit, pour que ça se déclare. Vous ne m’en voulez pas ?
Katel haussa les épaulés.
— Ça devait bien se produire un jour…
— Non, Cap, je ne t’en veux pas du tout, au contraire, fit Michelli, calmé. Maintenant, je me sens normal. Pourquoi toi et pas moi, tu piges ?
Ael fut pris d’un fou-rire nerveux qui gagna Katel et Michelli. Ils s’en assirent sur le sol pour être plus à l’aise. La réaction. Tous venaient de vivre un moment de sacrée tension.
— Et maintenant qu’est-ce qu’on fait ? demanda enfin Michelli.
— On est là pour ramasser des cristaux, non ? lâcha Katel. Pour notre petit don, laissons-le s’épanouir tranquillement, sous ce bon soleil !
Ils ne ratissèrent que trois des endroits repérés et ça leur prit douze nouveaux jours. La Barge était placée en limite du champ et ils gagnaient beaucoup de temps, faisant chacun une quinzaine de voyages par jour.
À ce rythme, le sol du second niveau de la soute fut bientôt plein. D’autant qu’Ael ne voulait pas que des emballages n’en écrasent d’autres. Ils mirent d’ailleurs deux autres jours à amarrer les ballots pour qu’ils ne risquent pas de s’effondrer pendant des manœuvres brutales.
Ils trouvèrent très peu de cristaux translucides, pas plus de deux, moyens, toujours autour de quatre à cinq centimètres. Michelli mis la main sur le plus beau. Assez peu épanoui, il avait une vague forme de rose, mais avec des pétales verticaux, tranchants et parallèles, s’évasant sur le côté. Il mesurait moins de six centimètres de large sur sept de haut. Le plus beau de tous.
Les jours suivants, Ael prit l’habitude de faire jouer les rayons du soleil au travers de celui-ci. Ils étaient transformés et, sous certaines expositions, créaient des spectres d’une pureté incomparable, qui se chevauchaient et composaient des demi-teintes, des sortes de pastels ! Une beauté, qu’il mit dans sa cabine. Il gardait l’un des petits, en permanence sur lui, dans une poche.
Ils consacrèrent ensuite quatre jours à faire le tour des océans. Sur certaines côtes également, les cristaux se révélaient !
Le dernier soir, Katel lâcha, en terminant le repas :
— Quand on reviendra dans le Monde et qu’on aura un peu d’argent d’avance, j’achèterais de l’alcool. On n’a rien pour fêter des événements. Ce soir, j’aurais bien trinqué.
— À propos d’argent, commença Michelli. Comment on va s’y prendre pour vendre nos cristaux ?
Personne ne répondit immédiatement. Puis Ael lâcha :
— Je comptais un peu sur une brillante idée de Katel. C’est elle la technicienne.
— La technicienne, elle est sèche, répondit-elle d’une voix un peu désabusée. Mais on n’en est pas encore là. Je croyais qu’on allait voir l’autre planète ? Et ça m’excite beaucoup plus que de revenir dans le Monde. Revoir ces “pauvres gens” qui ont tant souffert de la guerre sur les planètes où il ne s’est jamais rien passé… Et entendre nos vaillants gouvernants s’entre-féliciter de leurs bonnes idées et nous donner des conseils…
— Il y a aussi des paumés qui n’ont pas eu notre chance, remarqua Ael d’une voix douce. Nous, au moins, on a la Barge. Une raison de vivre.